Elle avait du mal à ranger les boîtes. Du mal à ne pas oublier de les ranger. A croire que les boîtes n'étaient pas ses amies. Ou, au contraire, qu'elles l'étaient tellement qu'elle voulait toujours pouvoir les voir étalées sur le linoléum de sa chambre. Selon les jours. Elle vivait. C'est important de le savoir. Elle vivait. Youpi tralala boum. En l'occurrence elle lisait, elle buvait et de temps à autres,et entre deux livres ou deux documents elle s'installait à son ordinateur pour fumer une blonde, légère. Peut-être était-ce plus pour le geste, pour cette mécanique destructrice, que pour le goût. Il n'y a pas de grands doutes à avoir là-dessus. Quand le briquet faisait des siennes ou qu'il était perdu, quand le paquet de cigarettes était vide, elle mangeait. Elle n'en était pas malade. Pas physiquement. Mais la nourriture était elle aussi un bon moyen de se détruire à petits feux. Ahaha. Référence. Tout dans la tête en réalité. La nourriture ou les cigarettes, oui. Les paquets de cigarettes étaient souvent vides. A vrai dire il n'y en avait plus qu'un seul. Et cela allait faire cinq mois que la dernière clope avait été fumée. A la base ça n'était rien d'autre qu'une boîte. Elle aussi. Aurions-nous été capables de résumer son existence aux boîtes ? Oh, oui, nous l'aurions été. Elle ne ferait pas une excellente matriochka. Elle savait pas s'emboîter. Il est même probable qu'elle ne connaissait pas ce mot. Elle se voulait difforme et avait fini par s'en persuader. De temps à autres. C'était une blague. La permanence occupait son esprit, la continuité. De temps à autres cela aurait été trop faiblard. Lire était une bonne alternative. Une possibilité d'échapper au reste. Sauf que, encore plus souvent que toujours, elle mangeait en lisant.