HEMON
Nous aurons d'autres soirs, Antigone.
ANTIGONE
Peut-être pas.
HEMON
Et d'autres disputes aussi. C'est plein de disputes un bonheur.
ANTIGONE
Un bonheur, oui... Ecoute, Hémon.
HEMON
Oui.
ANTIGONE
Ne ris pas ce matin. Sois grave.
HEMON
Je suis grave.
ANTIGONE
Et serre-moi. Plus fort que tu ne m'as jamais serrée. Que toute ta force s'imprime dans moi.
HEMON
Là. De toute ma force.
[...]
ANTIGONE, crie soudain, blottie contre lui.
Oh ! tu m'aimais, Hémon, tu m'aimais, tu es en es bien sûr, ce soir-là ?
HEMON, la berce doucement.
Quel soir ?
ANTIGONE
Tu es bien sûr qu'à ce bal où tu es venu me chercher dans mon coin, tu ne t'es pas trompé de jeune fille ? Tu es sûr que tu n'as jamais regretté depuis, jamais pensé, même tout au fond de toi, même une fois, que tu aurais plutôt dû demander Ismène ?
HEMON
Idiote !
ANTIGONE
Tu m'aimes, n'est ce pas ? Tu m'aimes comme une femme ? Tes bras qui me serrent ne mentent pas ? Tes grandes mains posées sur mon dos ne mentent pas, ni ton odeur, ni ce bon chaud, ni cette grande confiance qui m'inonde quand j'ai la tête au creux de ton cou ?
[...]
Quand tu penses que je serai à toi, est-ce que tu sens au milieu de toi comme un grand trou qui se creuse, comme quelque chose qui meurt ?
HEMON
Oui, Antigone.
ANTIGONE
Moi, je me sens comme ça.
[Il y a de ces mots qui ne s'oublient pas. Et le livre peut prendre toute la flotte du monde, et le orange peut passer doucement, la couverture peut bien être défoncée par des coups de crayons, des ciseaux, le bouquin roulé dans un sac ou balancé contre les murs, il est de ce mots qui restent à l'intérieur.]