C'était inhabituel. Comme deux amis qui s'arrangent au mieux
et à qui cela fait plaisir, mais ils ne sont pas amis.
Elle était allée le rechercher à la gare de Lille Flandres et maintenant ils repartaient en voiture, ça n'était pas au programme.
-Oui, ça ne te dérange pas trop si on fait un crochet par l'appart ? J'ai oublié le portable et sans lui je n'arriverai à rien.
- Pas de problème écoute, c'est toi qui a le volant en mains.
Silence dans la petite voiture. Normal, ils n'ont rien à se dire après tout. Juste la musique, elle s'est empressée de démarrer le lecteur, à peine assise dans l'habitacle.
Il joue avec son fameux morceau de plastique, regardant Lille à travers la fenêtre du côté passager. Il n'a jamais mis les pieds dans cette ville, elle est peut-être à découvrir finalement.
Elle fixe son attention sur la route, du moins essaye. Quelle est cette idée qu'elle a eu là ? Le rouge lui monte aux joues. Elle murmure les paroles qu'elle connait par cœur.
Arrivée à l'appartement. Elle file dans l'escalier, traverse sa chambre pour arriver au bureau qui se trouve dans une petite tourelle, la vue est à couper le souffle c'est donc là qu'elle a installé une armoire remplie de fournitures et de livres, un bureau, un fauteuil, (toujours utile) elle y travaille, ou y fait semblant. C'est aussi sur ces murs qu'elle a disposé ses photos en noir et blanc.
- Tu peux éteindre la chaîne s'il te plaît ?
- Ouais mais dégrouille, le train part dans quinze minutes !!
- On y sera, on y sera. Ce n'est pas aujourd'hui que je vais louper mon train pour la première fois.
- Effectivement ça la fiche mal pour un entretien préliminaire d'avoir comme excuse « J'ai loupé mon TGV hier soir »
C'est sur. Que fait-elle ? Elle ne l'écoute plus vraiment. Elle est restée figée devant une photo au mur. Puis, quand son regard s'est porté sur son écran d'ordinateur elle a laissé échapper un murmure, un juron. Il faut qu'elle pense à faire le ménage. On ne peut pas tout montrer. Elle a déjà si honte.
Elle ne s'est pas aperçu que dans sa voix à lui il n'y a plus d'essoufflement.
Il n'avait pas eu besoin de crier non plus. Il avait monté l'escalier et était arrivé dans sa chambre. S'arrêtant devant la baie vitrée il avait admiré quelques secondes la vue d'une mégalopole en devenir, qui pourtant ne s'étirait pas encore jusqu'à l'horizon et la lueur rouge du soleil se couchant derrière les immeubles. S'il avait eu plus de temps devant lui il se serait installé au balcon pour attendre la nuit. Après, advienne que pourra. Le jeune homme sans attaches et faussement désinvolte qu'il est, se surprend à penser qu'il pourrait profiter de cette vue plus tard.
Fixé devant une photo accrochée à un grillage, lui aussi perd l'audition.
Elle descend l'escalier, inquiète à l'idée du trajet qu'ils vont passer à deux, trente-cinq minutes, trente-cinq ridicules minutes en comparaison à d'autres voyages. Seulement voilà.
- Au fait merci d'avoir bien voulu remonter avec moi. Et puis pour l'hébergement d'une nuit là-bas aussi. C'est sympa de ta part.
Ils se retrouvent nez à nez. Il avait récupéré ses esprits et la seule réaction qui lui était venue c'était de s'avancer vers elle. Moment d'hésitation. De gêne ?
- C'est surtout normal. – Un silence. – Jolies photos. Même si celle-ci est floue.
- … Peut-être. Merci .
Elle se sent horriblement mal. Son bouclier d'orgueil est inopérationnel. Ce n'est pas l'heure ! Elle doit trouver une phrase à dire. Une parole. Elle ne peut pas chuter.
Trop tard. Et si elle se laissait chuter un peu. Juste pour voir. Il veut bien l'aider.
- De rien. De rien.
We looked like giants.
Why you'd want to live here ?
Du même groupe.
Sans la photo. Elle est floue je vous l'ai dit.