Lundi 10 septembre 2007 à 19:54

Et voilà. Maintenant le ressort est bandé. Cela n'a plus qu'à se dérouler tout seul. C'est cela qui est commode dans la tragédie. On donne le petit coup de pouce pour que cela démarre, rien, un regard pendant une seconde à une fille qui passe et lève les bras dans la rue, une envie d'honneur un beau matin, comme de quelque chose qui se mange, une question de trop qu'on se pose un soir...
C'est tout. Après, on n'a plus quà laisser faire. On est tranquille. Cela roule tout seul. C'est minutieux, bien huilé depuis toujours. La mort, la trahison, le désespoir sont là, tout prêts, et les éclats et les orages, et les silences, tous les silences : le silence quand le bras du bourreau se lève à la fin, le silence au commencement quand les deux amants sont nus l'un en face de l'autre pour la première fois, sans oser bouger tout de suite, dans la chambre sombre, le silence quand les cris de la foule éclatent autour du vainqueur - et on dirait un film dont le son s'est enrayé, toutes ces bouches ouvertes dont il ne sort rien, toute cette clameur qui n'est plus qu'une image, et le vainqueur, déjà vaincu, seul au milieu de son silence...
C'est propre la tragédie. C'est reposant, c'est sûr... Dans le drame, avec ces traîtres, ces méchants acharnés, cette innocence persécutée, ces vengeurs, ces terre-neuve, ces lueurs d'espoir, cela devient épouvantable de mourir, comme un accident. On aurait peut-être pu se sauver, le bon jeune homme aurait peut-être pu arriver à temps avec les gendarmes. Dans la tragédie on est tranquille. D'abord on est entre soi. On est tous innocents en somme ! Ce n'est pas parce qu'il y en a un qui tue et l'autre qui est tué. C'est une question de distribution. Et puis, surtout, c'est reposant, la tragédie, parce qu'on sait qu'il n'y a plus d'espoir, le sale espoir ; qu'on est enfin pris, comme un rat, avec tout le ciel sur son dos et qu'on a plus qu'à crier - non pas à gémir, non, pas à se plaindre, - à gueuler à pleine voix ce qu'on avait à dire, qu'on avait jamais dit et qu'on ne savait peut-être même pas encore. Et pour rien : pour se le dire à soir, pour l'apprendre, soi. Dans le drame, on se débat parce qu'on espère en sortir. C'est ignoble, c'est utilitaire. Là c'est gratuit. C'est pour les rois. Et il n'y a plus rien à tenter, enfin !

Antigone, Jean Anouilh.
Dire que j'ai cherché.
Et dire que j'ai failli prendre ton* texte.

Par m.istake le Lundi 10 septembre 2007 à 20:08
j'ai aimé ce livre.
mais vas savoir pourquoi je l'aime davantage écrit sur ton blog.
Par fleurs.des.champs le Lundi 10 septembre 2007 à 21:49
Ce livre ... j'aime plus qu'aimer j'ai adoré et le voir sur ton blog c'est encore plus magique.
<3
Par Mots-de-tete le Mardi 11 septembre 2007 à 17:28
Je pourrai te le prendre un jour pour une audition? =]

Tu sais, j'ai d'abords cru que c'était le fruit de ta plume, sois flatée, s'il te plaît.

Moi, c'est l'espoir qui me tue. Non, c'est pire, qui me ronge, qui m'obsède, me dévore. Je veux un bon vieux drame, là, tout de suite. sur un plateau d'argent.

Merci d'exister.
Par c0lombe le Jeudi 13 septembre 2007 à 19:46
J'ai pensé à toi. Sur la liste de textes que je vais étudier, il y a Electre d'Anouilh. Conclusion, je vais me faire toutes ses réécritures de tragédies. Je vais enfin voir à quoi ressemble son Antigone :)
 

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