Le volant en mains, oui. Mais le reste lui échappe totalement.
Désinvolte il s'installe confortablement, recule son siège
et balance légèrement sa tête en avant puis la repose sur l'appui qui lui est
destiné. Toujours un sourire ironique sur les lèvres mais désinvolte. Et elle
qui commence seulement à pouvoir être elle quand il est là. S'il avait su
auparavant il n'aurait pas osé se moquer de la moindre des ces phrases. Elle
est plus terrifiante que lui. Il va vite l'apprendre. Pas tout à fait à
ses dépends mais presque. Silence dans la petite voiture. Normal, ils n'ont rien
à se dire après tout. Juste la musique, elle s'est empressée de démarrer le
lecteur, à peine assise dans l'habitacle.
Il joue avec son fameux morceau de plastique noir, regardant
Lille à travers la fenêtre du côté passager. Il n'a jamais mis les pieds dans
cette ville, elle est peut-être à découvrir finalement.Le paysage urbain défile : les rues pavées,
l'architecture qui mêle tous les styles, la circulation fluide, le beffroi et
les hauts bâtiments du centre. Impressionnants.
De son côté elle fixe son attention sur la route, du moins
essaye. Il n'y a pas grand-chose à fixer. Quelle est cette idée qu'elle a eu là ? Stupide.
Elle est stupide, ou pas. Elle murmure les paroles qu'elle connait par cœur.
Ils arrivent devant son immeuble, elle se gare, ils montent à l'appartement, bref, ils y vont. Ses mains ne tremblent pas lorsqu'elle sort les clés de son sac. Elle se calme et c'est là que les habitudes commencent à être chamboulées. Elle devient celle qu'elle est parce que c'est chez elle, c'est son monde, c'est lui qu'elle invite. Pour le moment. Lui il ne s'impatiente pas mais garde un œil sur sa montre. Ils ne sont pas du genre à s'inquiéter, pas pour l'heure du moins. Une fois la porte ouverte elle file dans l'escalier, traverse sa chambre pour arriver à son bureau. Ce dernier se trouve dans une petite tourelle, qui donne sur le Vieux Lille : la vue est à couper le souffle. C'est pour cela qu'elle a choisi cet endroit. Y sont installés, une armoire remplie de fournitures et de livres, un bureau, un fauteuil, (toujours utile) et quelques babioles souvenirs. Tout en noir et blanc. Elle voulait une pièce sobre et c'est celle-ci qui fut choisie. Alors elle y travaille souvent, ou y fait souvent semblant. C'est aussi sur ces murs qu'elle a disposé ses photos en noir et blanc. Des photos qui comptent plus qu'elle ne saurait le dire. Il est étrange de constater à quel point les paroles qu'ils échangent sont éloignées de leur réalité. D'eux.
- Tu peux éteindre la chaîne s'il te plaît ?
- Ouais mais dégrouille, le train part dans quinze minutes !!