Et j'ai un ami de mort.
J'ai un morceau de vie qu'il me donnait qui est parti avec lui.
Vous allez en bouffer du Romain. Vous allez le connaître. Parce que je ne l'ai pas assez connu.
19h25. Annonce. Un cri. Je ne pense même pas demander si c'est une blague. Pas assez de tragique pour la situation. Ce sont des larmes sur les joues d'un enfant qui me persuadent. Aucun ménagements. Un cri. Un effondrement.
Un espoir subiste mais on ne s'y attache pas parce que l'on sait qu'il se fonde sur une chance sur un milliard, au moins. Pourtant on ne peut l'ignorer. On le veut mais on y arrive pas.
[nuit]
Un matin. Un ami, son ami, les traits tirés autant, voir plus que les miens. Un silence. Quelques nouvelles échangées à voix basse. Le silence régnant est plus angoissant que tout le reste. Les "petits" qui ne le connaissent pas et qui ne sont même pas au courant de la situation se taisent. C'est dans l'air. C'est dans le village. Dans les yeux des gens. Dans ma famille. Ma grande famille. Tout le monde à 10 kms à la ronde connaît un de nous, c'est inévitable alors le monde se tait.
Une fille arrive. Calypso. Ce matin là, enfin ce matin, elle porte trop bien son nom.
Les mots tombent. Je n'ai jamais autant haï des mots. Ils sont froids, durs, ont la symbolique d'une lame de rasoir. Ils sont notre lame de rasoir.
" Ils l'ont débranché cette nuit"
Les larmes que nos amis pouvaient apercevoir dans nos yeux sont maintenant clairement visibles. Elles ne coulent pas. On en a déjà trop fait couler. Mais ce n'est pas encore assez.
Tourne en rond. Envie de frapper dans quelque chose.
Le bus. Silence. Un de chaque côté de la rangée. Perdu dans les souvenirs. Ainsi que dans l'avenir perdu. Entre nous deux, deux autres personnes. Qui ne comprennent pas. Enfin, qui comprennent moins. Qui souffrent moins.
"Ils l'ont débranché cette nuit"
Je garderai ces mots. Parce que je n'oublie pas. Je n'en suis qu'au premier deuil. Celui du corps. Celui de la mort "pure et simple" comme si c'était pur, ou simple.
Viendra ensuite le deuil de l'avenir qui s'éteint. Des sourires que nous n'aurons pas. Des blagues pas toujours drôles. Des ballades à vélo. Des retraites de communion. De la joie que tu avais sans cesse. Tu n'aura pas eu le temps de me rejoindre en tant que zozoteur de la famille. Je ne te connaissais pas assez. Et je t'aimais. Ca fait pleurer. A part égale avec le reste ? Je ne sais pas. Ca fait pleurer, beaucoup. C'est parce que chaque chose fait pleurer que je n'ai pas assez de larmes.
NO OLVIDO !!