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Quel livre emporteriez vous sur une île déserte ?
Sur une île déserte, au sens propre du terme j'emporterai, c'est sans surprises le livre qui me permettrait de quitter ce lopin de terre le plus vite possible :
"Comment survivre dans la jungle"
"Dix conseils pour se construire un radeau, avec en bonus, la nouvelle édition des cartes maritimes"
etc..
C'est vrai, je ne tiendrai pas longtemps sur une île déserte, enfin si, je tiendrai longtemps physiquement, mais mentalement, pour faire une chose aussi naturelle que lire... non. Au bout de quelques jours, mes nerfs lâcheraient ; pas assez d'activités, pas assez de paroles à échanger, ou de piques acerbes à se jeter.
Trop de vide pour que je puisse vivre sans devenir folle.
C'est Ambrose Bierce qui dans son Dictionnaire du démon donne cette définition :
" seul: adj. En mauvaise compagnie."
C'est pour tout cela que la seule réponse honnête à cette question, vue comme telle, est celle que je vous ai donné au dessus.
Mais je ne pense pas que cela soit ce que vous attendiez.
Et si cette île déserte était figurée ?
Au sens figuré ? Si j'étais seule dans un environnement hostile, sans aide, avec pour tout moyen de subsitance ma propre personne et que ce que je suis capable d'en faire ? Juste dans ce monde auquel nous appartenons, mais sans l'aide des gens que j'aime ? Et que je devais choisir un livre ?
J'aimerais choisir un livre inachevé, dont je pourrait réecrire l'histoire selon mes humeurs. Rendre l'héroïne (une héroïne parce que c'est plus simple de "jouer" avec un personnage du même sexe que le notre) folle quand j'aurai besoin de conserver tout ma lucidité, la rendre amoureuse quand je serai trop seule, la faire crier quand le silence alentour serait trop assourdissant.
En réalité, oui, je l'avoue, à travers elle je me ferait vivre par procuration.
Je ne veux pas connaître ce livre dont j'aurai besoin, parce que je voudrais le découvrir quand mon champ d'action sera limité.
Cependant, il est un livre qui se rapproche de toutes mes envies, Antigone de Jean Anouilh.
C'est un livre dont la fin nous est livrée avec le début. Et bien qu'au cours de l'histoire on ne peut se faire à cette fin inéductable, aucune autre ne peut nous satisfaire.
Parce que ce bout de femme qu'est Antigone, cherche sa vie dans sa mort, son commencement dans sa fin. Et ainsi, l'histoire est sans cesse différente. Selon le point de vue que j'adopte, les possibilités que j'imagine.
Malgré tout le dénouement est toujours identique, parce que "Antigone était faite pour être morte" ( Antigone, Edition la Table Ronde, ligne 5 p 100)
Dans une histoire toujours semblable, où les lectures passent comme des jours, l'imagination rend chaque point identique, différent.
Toute nouvelle fin n'est qu'une copie de l'ancienne.
N'est ce pas comme ça que les jours passent sur une île déserte ?