Lundi 6 août 2007 à 21:16

"Tu ne pourras jamais être ce que je t'ai rêvé."

Marc est dans le train 1492, voiture 13, cabine 41. Il va rejoindre Cécile à Embrun chez sa mère. D'aussi loin qu'il se souvienne, Marc a toujours aimé les trains de nuit. Il occupe son poste préféré, un poste de guet, sa place à lui de toujours. Il pose son front sur la vitre froide.
Le soir est comme un marbre au bleu, à la fois sombre et translucide. Des nuages s'étirent et mettent la lune en cage. Marc a des excitations d'enfant. C'est un voyage aveugle, mystérieux. Il est toujours hypnotisé par la course métallique des rails, l'acier qui raye le reflet d'un visage dans la vitre. Il se souvient. Il est de ceux qui fouillent la mémoire jusqu'au balbutiement de la vie. Il est cet enfant, faschiné, bouche ouverte qui avale un éclair. La Lune est un ballon jaune qui s'éloigne lentement de la TErre. Il y a des chmabres allumées qui s'enfuient, des hôtels au néon. Les gares vides sont déchiquetées par la lumière. Il y a des villages fantômes, des usines qui fument comme des dinosaures, un ciel soufflé, l'enfant ne voit pas la main qui l'attend pour aller dormir. Elle fouille tendrement sa chevelure. Il sort de l'hypnose. Il se souviendra plus tard de cette femme au bout du couloir, penchée vers la nuit, la cheville enlacée par un cordon de cuir. Il se souviendra de son visage giflé par la lumière, de ce regard vert. Elle était immobile, abandonée à la violence du vent et des éclats. Ses cheveux flottaient sur une nuque blanche. Elle ferma soudains la fenêtre, ivre, apaisée. Elle se retourna vers lui et le regarda sans le voir.
A chaque train, chaque solitude, il la devine. Elle attend. Il faut pour cela que le convoi soit dans le ventre de la nuit. Marc sniffe les lignes de rails. Il se drogue à l'acier. Le couloir danse. Une grosse dame chasse des fantômes. Un petit monsieur revient des toilettes. Il y a une clarté céleste derrière les dentelles de roches brunes. DEs langues d'ombre dessinent sur la collune un puzzle dispersé. Un nuage obèse, déjà enflammé, se repose au sommet. Une écharpe de brume attardée caresse tendrement la forêt. Fin du jour.

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