Dimanche 16 mai 2010 à 3:11

"Si il pouvait lire ça."

"Je ne suis pas d'accord que tu caches un amoureux."

En ce moment dans ma tête je lis beaucoup Antigone. Les pages défilent. Les mots que je connais dans le coeur et que j'aime me réapproprier. Quand au mois de janvier je parlais de cette folie qui est d'autant plus dangereuse que ça n'est que le début. Aujourd'hui mes mains tremblent. Et la charmante demoiselle avait plutôt l'air ridicule à s'effondrer, comme ça, en fermant les yeux et en pleurant. Seule dans le métro. Longtemps après coup. Si il pouvait lire ça, ça ne changerait rien. Cela empirerait probablement. Mais je peux te promettre que je ne cache pas d'amoureux. Mais que, oh si, j'ai un amoureux. Je n'en aura pas d'autres, je te promets. Tu sens comme une partie de toi qui meurt ? En songeant à ton nous ? Moi je me meurs et je tremble. Je me fonds dans quelqu'un qui n'est pas moi. A force d'avoir brûlé je fonds et me coule.

Samedi 29 août 2009 à 22:58

Il fallait qu'elle lui dise tout de même. Lui dire qu'elle se leurrait. Qu'après ce Il là il n'y avait pas de rien. Aucun espoir. Que cette masse, noire, grise, argentée dans le meilleur des cas. Ce tourbillon de sentiments, de souvenirs, de mots prononcés trop tard, trop tôt, trop vite, trop bas, ou seulement imaginés. Mêmes les notes finissent par se perdre. Il n'y a qu'une nuit, sans fin, et qui n'a plus la beauté des blanches ou des rouges. Plus de parfum, plus de voix. Juste le silence, et les regrets.

Mercredi 15 octobre 2008 à 17:15

Tu es plus beau que tu ne pourras jamais l'imaginer.

Samedi 20 septembre 2008 à 23:48

On efface tout, on jette au feu. Direction corbeille, clic droit et vidons donc la corbeille. Après tout ce ne sont que des vieux papiers. Qui n'en sont même pas. C'est pas une raison. Ils auraient peut-être bien voulu exister encore.

Samedi 6 septembre 2008 à 21:15

En débardeur et short alors que dehors la pluie tombe depuis une bonne demi-heure, j'écris en écoutant de la musique. La nuit est totalement noire et je peux voir le reflet de mon casque dans la vitre. Je leur ressemble plus qu'eux-même ne se ressemblent. C'est effrayant, je me demande comme lui s'en sort dans cette débauche de médiocrité. Les choses ont trop changées. Les défauts, notamment l'intolérance permanente, sur lesquels je pouvais autrefois faire l'impasse m'apparaissent aujourd'hui comme des obstacles insurmontables. Je savais qu'un amour fantastique est un amour niais. Mais là... Ça ne dépasse pas les limites. C'est juste pitoyable. Cet article aussi, d'ailleurs. L'influence n'est plus positive. Elle ne tire pas vers le haut. Si on m'avait dit...

Jeudi 15 mai 2008 à 19:18

Merde alors. Elle est devenue banal. Je ne la trouve même plus belle. Une espèce de coupe courte moderne. Les sourcils trop épilés, en arcades. Ses traits ont changé. Et lui je n'ai plus d'envol quand je le vois. Il a grossi d'ailleurs. Langue de pute, peut-être. Mais je n'ai plus mal au ventre. Et ça... C'est un soulagement. En fait, je crois que je suis singulièrement déçue. Peut-être sont ils simplement devenus médiocres. Peut-être l'avons-nous toujours été.

Dimanche 20 avril 2008 à 16:17

Y'a des gens qu'on ne peut qu'aimer. Même quand c'est dangereux. Et on le savait en plus. Alors bien sûr : ça arrive. Inéluctablement. Des mois à l'avance. L'instinct n'est pas forcément une bonne chose. "Si j'l'avio su, je sro pas venue", et encore... Et encore...

Mercredi 9 avril 2008 à 20:02

Je me prends la tête avec François.
Je n'ai plus de crédit.
Je n'ai pas envie d'écrire.
Je n'ai plus de films à regarder.
J'ai envie de souhaiter une bonne fête à une personne dotée d'une visions "très manichéenne" du monde mais que je remercie encore pour l'habillage Parapluies Amis.
L'homonyme d'où sont issus les guillemets semble ne plus vouloir entendre parler du mail que je devais envoyer.
Dommage.
J'espère qu'ils vont bien.
En même temps, pour aujourd'hui.
J'ai plus que hâte.
Je suis futile.
C'est nouveau, ça vient de sortir : je suis introvertie.
J'ai peur de ma deuxième semaine de vacances.
Vivement.
Vivement.
Bientôt.
Fuck.
Désolée pour Marine qui n'aime pas la musique.





Vendredi 4 avril 2008 à 18:14

Être remplacée.
En être contente.
Très.
Dormir.

Samedi 2 février 2008 à 22:43

La joie simple et malsaine de ne pas m'être trompée.
Il ment.
Elle ment.
Il est comme moi.
Elle est comme moi.
Ils s'aiment.
Ils se détruisent.
C'est à elle qu'il fallait laisser la place.
Pas à l'autre.
La première impression est toujours la bonne.
Ce qui est écoeurant c'est que les procédés soient restés les mêmes.
Et encore, je m'en fous.
Qu'ils se trouvent.
Putain qu'ils se trouvent.
Le monde en serait changé.
Mes cinq, ses six à lui, ses sept à elle.
Année 1997. Je le savais.

Sourire, enfin appaisée parce que la boucle est vraiment bouclée.
Alors que je connais encore d'autres moyens de la rompre.

Vendredi 28 décembre 2007 à 14:50

Et une boîte de Chocapic à qui trouve le bon prénom.
Il parait que ça vient de cet article :



Nous ne pouvions pas partir. Cela aurait été trop bête. Alors nous sommes restés, logique.
Et ce fut l'une de nos plus belles conneries.
Nous n'étions pas prêts à vivre ça. Mais d'un autre côté il nous semblait inacceptable qu'on nous le refuse. Toute la présomption de la jeunesse est là. C'est malheureux à voir et à dire à posteriori.
Nous ne comprenions pas le sens du mot "nous". A l'époque c'était juste nos cheveux emmêlés et nos corps enlacés dans une étreinte juste un peu plus qu'amicale. Notre histoire était la folie causée par la joie, l'adrénaline de l'effort. Rien de plus, rien de moins. Pourquoi les choses doivent-elles devenir si compliquées ?


Dans une autre vie je m'appelle aussi Sarah.
Y ahora puedes llamame como ella, porqué ahora yo sé.


Vendredi 14 décembre 2007 à 22:54

Je crois que j'ai trop longtemps cherché à faire "bien" avec mes textes. Quelque chose qui pourrait plaire aux gens, sans forcément y songer pour moi, pour mes envies, pour ce que je mettais dedans. Aujourd'hui c'est l'inverse je crois, et la flemmardise aide à cela, je ne relis pas, je ne complique pas les formes, les rythmes, les sens c'est pas pareil, j'en conviens. Ça vient tout seul et je ne cherche surtout pas à comprendre. Tout ou rien quoi. Malgré cela on se souvient de l'avant et on se persuade que c'est toujours aussi bien, voire mieux. C'est tellement différent en réalité... Ce "on" qui n'est pas con veut me pousser à participer un concours d'écriture. Je suis une fille volontaire, d'habitude partante pour ce genre de choses. D'habitude. Là j'ai découvert au fond de moi une réserve que je ne m'étais pas expliquée jusqu'à ce soir. Et puis j'ai relu et j'ai compris : il va le faire.
Nous allons être en compétition. Enfin... J'ai bien l'intention de le battre. De te battre.

Je ne pense pas que tu m'aies un jour respectée. Tant pis. L'admiration et la peur, la haine et le dégoût plutôt que l'indifférence.

Lundi 3 décembre 2007 à 15:41

J'adore ! Que les gens puissent en rire, qu'ils se fichent allégrement de moi. Parce que c'est vrai, j'ai du mal à faire rire. Alors là je dois dire que c'est le pied intégral. Et une petite voix en moi qui me dit "Bouge !". Parce que bouge ou crève. De toutes manières tu crèveras quand même. Mourir en marchant... Pourquoi pas. Reprendre le train et ne plus attendre le métro.
Se dire "Ahh le con !" et rire toute seule devant la glace. Je suis habillée avec les mêmes vêtements, ça me fait rire parce que je m'en fous. Je m'en fous et c'est merveilleux. Je n'ai aucun mot banni de mon vocabulaire, je continue d'errer sur le net et je m'en fous : je me casse !
Avoir un avantage suprême sur eux tous, me connaître, les connaître, eux, les familles, les amis, les passions, les lycées, les écoles. Rire. Cette journée est hilarante. Je me casse.
Et par dessus tout je m'en fous. J'adore ce dessin. Je me suis empressée de fermer la fenêtre mais j'adore ce dessin. Google est votre ami.

Mercredi 31 octobre 2007 à 18:30

"Je l'aime, juste mais ça ne suffit ..."

Désolée, mais je t'ai sur le coeur depuis si longtemps. Il faut bien que je finisse par l'écrire. Par mettre un peu d'ordre. Mon seul regret est daté du 15 juin, parce que j'aurais pu te connaître et je crois que cela aurait peut-être évité ce grand gâchis.
Mais après tout ce ne sont que des suppositions que je fais là.
J'ai vu ta photo, un jour, par hasard, sans même savoir que c'était toi, et sans savoir de toutes manières qui tu étais. Pourtant je me suis arrêtée et je t'ai fixée, longtemps. J'ai appris petit à petit ce que cela voulait dire, pourquoi ton sourire, pourquoi ton regard, et il m'a semblé comprendre.
Le reste suivait. Suivit. Et cela bien que d'autres photos soient allées dans un sens contraire.
Tu sais qu'on partage le même prénom ? Enfin, pas exactement, moi c'est ainsi que l'on m'a rebaptisée, après toi j'ai eu du mal à assumer ce prénom. C'est fait aujourd'hui.
J'ai souffert et d'après ce que je devine encore, toi également.
Ca n'allait pas durer. Je connaissais les autres, là depuis plus longtemps, celles qui étaient passées dans son coeur un instant mais restées dans ma tête. J'affirme que c'est une forme de savoir. Un bien curieux don qui était le mien.
Je me trompe ? Je n'en sais rien. L'idéeal serait encore que tu puisses me lire et te reconnaître. N'est-ce pas trop en demander ?
Nous étions des erreurs. Et parce que la vie est parfois vraiment mal faite, ce sont souvent les erreurs qui s'accrochent le plus. Mais que veux-tu. Nous n'y pouvions rien. Tu me dis y être toujours. J'ai quitté cet état d'esprit par la force des choses. Tout en sachant qu'il suffit d'un rien pour me faire replonger. Alors oui j'ai peur. De découvrir des gens extraordinaires autour et d'être limitée à cause de cette erreur et de celles qu'elle a engendrées. Parce que j'en ai découvert de ces gens. Ce sont eux qui me manquent le plus. A partir de là, je n'ose même plus m'essayer à regarder en face l'horreur de la situation.

Dimanche 7 octobre 2007 à 22:01

J'ai retrouvé au fond d'une bibliothèque un ouvrage intitulé "L'Histoire de France à l'école élementaire", qui vient de l'Enseignement Chrétien. Publié en 1891. Je ne résiste pas à l'envie de vous en donner des extraits dans cette nouvelle série/catégorie, Histoire de France.
Je commence doucement, et donc non pas par l'introduction (pffiu) mais par le chapitre 1 portant sur nos ancêtres les Gaulois. Pauvre Astérix.

"

La Gaule.

A mesure que les descendants d'Adam se multiplièrent, ils allèrent peu à peu s'établir par toute la terre. Des tribus parties du centre de l'Asie s'avancèrent vers les pas d'Europe, dès le temps où les enfants de Jacob habitaient l'Egypte. Notre pays fut occupé à l'origine par des peuplades venues de l'Espagne, de la Grèce, de l'Italie, etc.
Au sud étaient les Ibères ; au nord les Belges ; au centre les Celtes, ou Gaëls, d'où le nom de Gaulois donné plus tard à tous les peuples occupant le territoire de la France actuelle, jusqu'au Rhin.

Moeurs et religion des Gaulois. _ Les Gaulois avaient des cheveux blonds, le teint blanc et les yeux bleus. Ils aimaient la chasse, la guerre et les courses aventureuses. Ils étaient idolâtres comme tous les peuples de la terre, excepté le peuple Juif, parce qu'ils avaient perdu la connaissance de Dieu par l'effet du péché. Cependants ils avaient gardé croyance à l'immortalité de l'âme, ce qui ls rendait très braves ; mais ils étaient grossiers et superstitieux, par la suite de l'ignorance dans laquelle ils étaient tombés. Leurs prêtres appelés druides, immolaient des victimes humaines, rendaient la justice et exerçaient la médecine. Ils attribuaient au gui du chêne la vertu de guérir tous les maux. Ils n'avaient pour autels que des dolmens, grosses pierres posées sur d'autres et grossièrement taillées. On en voit en Bretagne.
Des guerriers gaulois se trouvant en face d'Alexandre le Grand, lui dirent fièrement : "Nous ne craignons rien, sinon que le ciel ne tombe." Ils allaient au combat couverts de peaux de bêtes, portant des lances et des massues.
En 390 avant Jésus-Christ, ils prirent la ville de Rome, qui dut leur payer uyne forte rançon. Dès l'an 600, les Grecs avaient fondé Marseille, qui donna aux Gaulois la vigne et l'olivier, en même temps un commencement de civilisation. Les Phéniciens,  peuple de marchands, avaient déjà fondé Nismes. Les Romains, venus ensuite, fondèrent Aix, Narbonne et apprirent aux Gaulois le commerce et l'industrie. Mais le métier des armes était toujours ce qu'ils préféraient, et Rome les a souvent rencontré dans les rangs de ses ennemis."

Hum. C'est bien écrit, le style est agréable, je me suis juste retenue de quelques (sic !) fabuleux.
Ahhhh. La prochaine fois nous verrons La Gaule sous la domination romaine.
Je prendrai aussi le courage de vous taper l'introduction, un chef d'oeuvre du genre.

Mardi 25 septembre 2007 à 21:55

Trois lettres gravées sur une table dans la salle qui sert désormais aux maths. Souvenir de troisième, souvenir d'une vie qui n'existe plus. Je n'ai pas réussi à les détruire. Les lettres ? Aussi. J'ai caché. Et il se demandait d'où venait mon air triste "Mais non tout va bien !" tout va toujours. Là n'est pas le problème. Je ne me laisse pas déborder, c'est juste que rien n'est plus pareil.
Mais je sais que je peux encore me réfugier chez lui, aller chercher un regard, un sourire, m'asseoir, être protégée et ne plus plenser. Je le peux. Comme je le pouvais. Comme je ne l'ai jamais fait. Faut-il être bête. Ce sont trois lettres, gravées dans le bois. Sur le côté de la table les plaques se barrent. On les aide et il en va de même avec moi.

Je ne sais pas pourquoi ça ici.
Par contre, je ne suis absolument pas une fille frustrée. Enfin, pas sous cet angle.


Dimanche 2 septembre 2007 à 18:21

"Before you do anything, think. If you do something to try and impress someone, to be loved, accepted or even to get someone's attention, stop and think. So many people are busy trying to create an image, they die in the process."
 Salma Hayek


Prenez ensemble une minute pour réfléchir. Une minute.
Avec un joker  :  Antigone. Une main.

Vendredi 10 août 2007 à 18:57

C'est le genre de truc qu'on garde secret si on ne veut pas passer pour un foutu rêveur, mais dont chaque infime détail vous habite. On y pense dans les moments ficciles, quand il ne reste qu'à se mettre en boule pour laisser passer la tempête. Je me souviens alors qu'enfant, à Petit-Goâve, je rêvais déjà d'un aller simple, de partir sans jamais revenir. Prendre cette bicyclette rouge appuyée contre un arbre pour filer enfin droit devant soi. Le out du monde était bien ce petit village situé à quelques kilomètres de Petit-Goâve, pas trop loin de Miragoâne. J'ai passé un long moment (je n'avais pas une bonne notion du temps à l'époque, et , cela n'a pas changé beaucoup) à épier les habitudes du propriétaire de la bicyclette. Montilas arrivait vers dix heures du matin à l'épicierie de Mozart, achetait un verre de tafia qu'il avalait en faisant une terrible grimace avant d'aller jouer au domino chez Batichon, en laissant sa bicyclette contre un arbre sans surveillance. Un jour, je m'emparai d'elle pour filer vers le sud, jusqu'au petit marché de Vialet, où la mère de mon ami Rico vendait de la farine. C'était la première fois de ma vie que j'allais si loin. Ce voyage qui n'a pas duré plus d'une demi-heure m'a semblé le plus long et le plus magique de ma vie. Et je ne l'ai jamais oublié.

Jeudi 9 août 2007 à 13:55

Il faut dire que, jadis, les livres étaient beaucoup plus sensuels qu'aujourd'hui : il y avait largement de quoi sentir, caresser et toucher. Certains avaient une couverture en cuir odorante, un peu rugueuse, gravée en lettres d'or, qui vous donnait la chair de poule, comme si l'on avait effleuré quelque cbose d'intime et d'inaccessible qui se hérissait et frissonnait au contact des doigts. D'autres possédaient une jaquette en carte recouverte de toile au parfum de colle très érotique. Chaque livre avait son odeur propre, mystérieuse et excitante. Et lorsque la jaquette de toile bâillait, telle une jupe impudique, on avait toutes les peines du monde à se retenir de loucher sur l'interstice entre le corps et le vêtement et s'enivrer des effluves qui s'en exhalaient. Mon père rentrait généralement une ou deux heures plus tard, sans les livres, les bras chargés de sacs en papier kraft débordant de pain, d'oeufs, de fromage, parfois même de corned-beef. Mais il arrivait qu'il revienne du sacreifice dans une état euphorique, souriant d'une oreille à l'autre, sans ses bouquins bien-aimés mais également sans nourriture : aussitôt vendus il s'était empressé de les remplacer, car il avait trouvé chez le bouquinite des trésors comme l'on en rencontre peut-être qu'une seule fois dans sa vie, et il n'avait pas pu résister. Maman lui pardonnait, et moi aussi, d'autant que je n'aimais pratiquement que le maïs et les glaces. Je détestais les omelettes et la viande en conserve. En fait, je crois bien que j'enviais les petits Indiens qui mouraient de faim et que personne n'obligeait jamais à finir leur assiette.
Le plus beau jour de ma vie - je devais avoir six ans - fut celui où papa me fit un peu de place sur l'une de ses étagères pour y ranger mes livres.
Disons qu'il me légua quelque trente centimètres représentant le quart du rayonnage du bas. Je réunis tous mes livres qui, jusque là, s'empilaient sur un tabouret près de mon lot, et les transportai à la bibliothèque paternelle où je les disposais à la verticale, comme il se doit : le dos vers l'extérieur et la tranche contre le mur.

Traduit de l'israélien par Sylvie Cohen

Amos Oz, né à Jérusalem en 1939, vit à Arad, à la lisière du désert du Néguev. Son oeuvre est traduite en trente-cinq langues et a recçu de nombreuses distinctions et prix littéraires.
Ce texte est extrait d'une roman autobiographique paru en février 2004, Une histoire d'amour et de ténèbres (Gallimard, collection "Du monde entier")


Mercredi 8 août 2007 à 18:14

Des livres, on en avait à profusion, les murs en étaient tapissés, dans le couloir, la cuisine, l'entrée, sur les rebords des fenêtres, que-sais-je-encore ? Il y en avait des milliers, dans tous les coins de la maison. On aurait dit que les gens allaient et venait, naissaient et mourait, mais que les livres étaient éternels. Enfant, j'espérais devenir un livre quand je serais grand. Pas un écrivain, un livre : les hommes se font tuer comme des fourmis. Les écrivains aussi. Mais un livre, même si on le détruisait méthodiquement, il en subsisterait toujours quelque part un exemplaire qui ressusciterait sur une étagère,  au fond d'un rayonnage dans quelque bibliothèque perdue, à Reykjavik, Valladolid ou Vancouver. Lorsque - et cela s'était produit à deux ou trois reprises - il n'y avait pas assez d'argent pour préparer le sabbat, ma mère regardait mon père qui, comprenant que le moment était venu de choisir l'agneau du sacrifice, se dirigeait vers la bibliothèque : en homme de principes, il était conscient que le pain venait avant les livres et que le bien de son enfant l'emportait sur tout le reste. Je me rappelle son dos voûté quand, franchissant la porte avec trois ou quatre de ses chers volumes sous le bras, il se rendait tristement à la boutique de M.Mayer pour lui vendre quelques précieux ouvrages - on aurait dit qu'il taillait dans le vif. Abraham, notre père, devait avoir cet air-là en quittant sa tente, à l'aube, portant Isaac sur son dos, en route vers le mont Moriah.
Je devinais son chagrin : mon père entretenait un rapport charnel avec les livres. Il aimait les manipuler, les palper, les caresser, les sentir. C'était une véritable obsession, il ne pouvait s'empêcher de les toucher, même si c'étaient ceux des autres.

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