Darksun
C'est amusant, je crée toujours mes blogs la nuit... Peut
être est-ce le fait de ne pas me sentir la même personne, une fois seul devant
mon ordinateur. Je suis un autre. Je me crée une vie, un passé, des sentiments,
des tasses de cafés, vides sur le bord de ma cuisine, des cendriers remplis
d'amertumes, et des draps froissés, comme ma vie. Je suis froissé. Je me sens
tellement... las... Tellement désireux d'en finir avec cette immaturité qui me
vole mon oxygène. Je vous vois tous, porcelaines, vous agiter comme des
enfants... Et moi de jouer le jeu, mon masque tellement bien assuré sur mon
visage que je me déchirerais la peau si je voulais le retirer. Vous le
connaissez tellement bien, l'adolescent marrant qui vous fait marrer une
seconde pendant un interclasse. C'est tellement amusant après tout. Ca fait
plusieurs années qu'ils me connaissent, et ils ne savent pas qui je suis. Ca
fait plusieurs années que je me connais, et je ne sais même pas qui je veux
être... Après tout, c'est si beau, Paris sous la pluie...
La
banalité d'un début de journée ou comment faire de la poésie sur une simple
cigarette...
Mon cendrier déborde d'amertume sur la cheminée. Café...
Noir. Une clef attrapée à la va vite sur une porte qu'on referme derrière soi,
de peur que personne ne vienne ne rien vous voler... Comme d'habitude. Se
réconforter de la banalité de la situation, sur les fauteuils volontairement
inconfortables... Cigarette. Une de plus. Et mon front appuyé sur la vitre du
métro, si glacé... Et d'observer le tourbillon de formes grises qui défilent
devant mes yeux. Il pleut bien sur. Il n'y a que la banalité des gens qui peut
les faire se lever aussi tôt.
J'ai
eu envie de vivre
C'est venu d'un coup, sans que je ne demande rien à
personne. Soudain, j'avais envie de vivre. J'ai décidé de jeter la cigarette
qui me brûlait la main, et de sortir du métro. J'ai gravi les marches jusqu'à
l'air libre, et j'ai regardé le ciel. Je me suis promené, la tête en l'air, et
j'étais heureux. J'ai dévisagé les gens, ceux là qui ne vivaient pas encore. De
vielles personnes devisaient sur la vie palpitante qu'ils s'étaient inventés,
de peur de mourir avant d'avoir vécu. Et puis j'ai plissé les yeux à la lumière
du soleil, et je me suis aperçu qu'il ne m'avait pas manqué. Les vieux
immeubles gris sont restés de pierre, comme pour me montrer que j'étais
toujours seul. J'ai tiré une cigarette de mon paquet. Et je l'ai allumé, avant
de rentrer dans le métro.
Tu
m'as dit...
C'était peut-être en rêve, du moins j'aurais voulu. Les
gens me regardaient comme si je n'existais plus. J'avais beau sourire et aimer,
j'étais seul. On préférait éviter ma présence, et les perdus répétaient dans
mon dos, "regardez ce que ça fait de vivre..." Il était midi. J'ai
levé la tête et j'ai regardé les étoiles dans le ciel bleu. Et puis soudain
j'ai eu peur de vivre. J'ai eu peur de ce que j'avais aimé. Et puis je suis
rentré chez moi sans rien dire. Je n'ai pas fermé la porte, de peur que
quelqu'un vienne à entrer. Et puis j'ai pensé que je venais de re-mourir. Mais
j'avais existé. J'avais laissé une trace de ma vie quelque part, pas grand-chose,
une brûlure de cigarette sur une table, un billet de cinéma abandonné dans une
veste portée. Et puis les couleurs sont revenues, et j'en ai perdu la vie. Les
gens ne m'ont plus jamais regardés, et ils en sont morts, morts de n'avoir pas
su vivre, mort comme je vais bientôt mourir. Cigarette...
Cinéma
Et puis j'ai fait semblant de vivre. Un vieil homme que je
ne connaissais pas m'a donné les pièces d'un jeu qu'il avait perdu, et qu'il me
semblait avoir perdu d'avance. Mais j'ai joué. Et puis à force de faire
semblant, j'ai eu envie de vivre. Alors j'ai éteint ma télé, j'ai brûlé mes
rapports, et je n'ai pas pensé. J'ai regardé mes murs, comme si ils étaient
tachés de sang. Ils m'ont regardés dans les yeux, et j'ai compris que si je ne
m'échappais pas de cette si grande prison, j'allais redevenir normal. Mais la
prison était tellement grande que je m'y suis perdu. C'était tellement beau,
que j'ai dépassé les limites. Je me suis perdu dans la noirceur, la misère et
la hargne. Mais moi je ne voulais pas voir ça. Je me suis caché les yeux, comme
je me masquais la réalité. Je ne suis pas allé plus loin, de peur de prendre
conscience de cette horreur. Soudain, j'ai eu envie de rentrer dans le rang,
comme si je croyais en être sorti un jour. Je me suis battu contre ma pensé, et
j'ai perdu. Alors j'ai allumé une cigarette, et je suis sorti de chez moi pour
aller voir comment c'était dehors. Et ça m'a plu.
Welcome
to my life...
On a couru. Un peu partout, mais on a couru. On a visité
des pays qu'on ne connaissait pas, et qu'on n'avait jamais vraiment voulu
connaître avant. Et puis c'était bien. On a rencontré des gens qui nous ont
dit: Regardes autour de toi! Et on a regardé... On a regardé, et on a vus
tellement de choses dont on avait perdu le souvenir qu'on en est sortis
changés. Et puis des gens sont venus nous dire qu'on était comme tout le monde.
On ne les a pas crus. On a couru encore et encore pour fuir la réalité, pour
fuir les vitres froides des métros, et les brûlures de cigarettes... On a couru
Paris, on a couru l'hiver, on a couru la vie, on a couru nos vies. Et personne
ne s'est retourné.
On a
vu, des gens pleurer...
Il y avait plein de gens dans l'église. Au moins une
centaine. Des noirs, des blancs, des turques, des arabes. Toutes ces couleurs
mélangées autour du brun sombre de ton cercueil... Et puis moi j'étais au
milieu. Autour de moi les filles pleuraient, mes amis avaient le regard sombre.
On n'a pas réussi à pleurer. C'était beaucoup trop triste. Des prêtres ont
récités des tas de trucs qu'il n'aurait pas compris... On avait la gorge
serrée. Je les voyais tous, en pleurs avec tous ses gens qui ne le
connaissaient pas mais qui venaient quand même. Tiens, il y a un attroupement!
Qu'est ce qui se passe? Avec un peu de chance c'est un viol! Ou un meurtre! Que
tout le monde s'amène, il y aura quelque chose à raconter demain aux autres!
Effectivement c'était un meurtre! Et vous l'assassiniez un peu plus à chaque parole...
Oui c'était un meurtre. C'était le meurtre de plus de vingt ans de gentillesse,
d'amitié, de fidélité. Il avait survécu à toutes les horreurs de Cuba pour mourir
dans un incendie causé par quatre filles qu'on n'avait pas élevées, qui ne
savaient pas qu'elles mettaient en place le meurtre de dix-huit personnes...
C'est con, Charles était là, au même moment. Et on a entendu les discours, les
paroles, on a entendu le son des pleurs, on a entendu le son de la tristesse.
Ses plus vieux amis sont venus nous dire qu'ils l'aimaient encore, et qui il
avait été. On a défilé devant son cercueil, une photo de lui posée sur le bois
de chêne... Il avait ce petit air ironique qu'il abordait si souvent. Des gens
que je n'avais jamais vus sont venus me dire qu'il était sans doute mieux là
haut, mais moi c'était ici que je voulais qu'il soit. Et pas autre part. J'en
ai vu des visages, tous plus sombres les uns que les autres. Mais aucun
n'égalisait le mien. Dans ces dix-huit personnes que tout le monde a déjà oublié,
il y avait un ami.
Flash
Ca a fait comme un flash dans ma tête. Une lumière blanche
éblouissante qui me criait de comprendre. Et j'ai compris. En voyant ses yeux
j'ai compris. Depuis je ne pense qu'à elle. Trop personnel, et tellement bête
en même temps. Je ne sais même pas vraiment ce que j'écris en ce moment. Je
suis encore sous l'effet de sa drogue. Est ce que c'est elle? Je ne le sais
même pas. Je ne sais rien. Plus rien. Je ne me souviens plus que de la musique,
je ne me souviens plus que de ces notes, de cet air enivrant, de ceux qu'on se
repassent en boucle, qui reviennent sans qu'on les appellent... Comme toi. Et
puis je me souviens aussi de ton regard. Je me souviens de toutes ces années
passées sans te connaître, ou j'allais crier ma haine dans les rues vides, ma
haine de trop exister, sans doute. Et toujours cette musique, cet air
enivrant... Et ton regard. Surtout ton regard.
Could I
ever laugh again...
Je me suis promené sur ma vie, j'ai fait abstraction de
tous ces gens, de tous ces problèmes qui peuplent mon désespoir. Solitude. Ca
ne te rappelle rien, à toi, les longues soirées d'hiver, une écharpe autour du
cou, je relâchais un nuage de fumée de ma cigarette. Davidoff. On se baladait
dans la campagne, glacée. On parlait de tout et de rien, on avait froid, un
peu. On a décidé qu'on allait partir, qu'on allait visiter d'autres pays,
d'autres personnes, d'autres problèmes. Et puis tu as regardé ta montre, et tu
as dit qu'il était temps que tu rentres. Et puis moi, je suis resté au milieu de
la route, à te regarder t'éloigner avec mes rêves. J'ai vu ta silhouette
blanche s'effacer petit à petit loin devant moi. Une sorte de musique étrange
imprégnait l'air, et je ne m'étais pas encore rendu compte qu'on n'irait nul
part, en fait. Je ne me suis pas aperçu qu'on allait pas partir, qu'on n'allait
pas vivre. Je ne me suis pas aperçu que je ne te reverrai jamais.
If I
was to
walk away,
From you,
my love,
Could I
laugh again...
You're
killing me again...
Am I still
in your head ?
Souviens
toi
Rappelle toi, Barbara, il pleuvait sans cesse sur Brest ce
jour là... Prévert. On aurait pu rester là à se lire des poèmes, infimes
parcelles d'amour au milieu du néant. On aurait pu rester de simples personnes,
là, dérisoires... Et puis tu m'as dit que tu étais jalouse. On s'est tourné, et
on se tourne encore autour. J'aurais pu décider que j'allais me prendre en
main, qu'on allait tout se dire, de ces mots sans saveur que se prononcent les
amants d'un jour, comme pour se convaincre qu'ils vont s'aimer... On aurait
fait comme tout le monde, et on aurait fini comme tout le monde. J'ai seulement
envie de tout claquer pour toi... Demain j'irais te voir, peut-être, j'irais
faire semblant de savoir quoi dire. Je ferais semblant de savoir ce que je
ferais devant toi. Mais je ne ferais pas semblant de t'aimer. Ce sera tout.
Tout ou rien.
L'amour n'est rien qu'une prison de plus...
Il fait froid dehors. Il y a des rafales de vent, en face
de la mer, et les vagues s'écrasent sur les rochers. Tout ce que je laisse en
arrière, dans cette pièce vide. Tu m'inspires. J'ai écrit des pages et des
pages, sans odeur et sans style, peut-être, mais pour écrire, simplement. Je me
suis enivré de ton absence, c'est toi qui me fais écrire. Un jour j'ai rêvé de
te prendre dans mes bras, pour t'embrasser peut-être. Et quand je dis je
t'aime, c'est l'écho qui me répond. J'en ai tellement marre d'être dans cette
pièce blanche et vide, et quand je crie, toi tu me souris... Moi j'ai envie de
m'enrouler une écharpe autour du cou, et de courir le long des plages, courir
pour échapper à mes problèmes, courir pour t'échapper, toi. Je n'en peux plus,
ma tête est pleine de fausses informations, l'amour n'est rien qu'une prison de
plus. Des fois, je rêve que tu me cries des mots pâles et sans chaleurs, des
fois je rêve que tu me cries je t'aime.
No way out... Never
Un morceau de musique choisi au hasard. Mes yeux fixent
l'écran sans ciller. L'habitude. Curseur... play.
Synthé, guitare électrique. Je ne l'ai pas vue arrivée. Comme je ne vois plus
rien depuis que j'essaye de t'oublier. J'aurais bien aimé qu'on soit tellement
superficiels que notre histoire ne dure pas, et que je me retourne sur ce
désastre avec le sourire aux lèvres, j'aurais bien aimé être un tel salaud que
j'aurais pu te laisser tomber sans rien dire. Comment se fait il que le temps
passe sur leurs histoire sans jamais emporter la mienne. Comment se fait il que
tu réussisses encore à me parler, à me voir? Comment fais tu pour sourire,
encore? Moi j'ai envie de me défoncer, d'écrire ton nom sur les murs de la
ville lumière, de tout faire pour toi. J'ai envie de leur montrer à tous que je
ne me suis pas trompé sur ton compte, que je ne me suis pas trompé de route, et
que ce n'est pas ta faute, ni la mienne...
Alors je monte le son, et j'oublie, je me ferme aux
autres, je n'entends plus que cet air lancinant, je n'entends plus que la
musique, et j'oublie tout, je t'oublie toi. J'oublie ta figure, j'oublie toutes
ces filles qui ont leur photos en noir et blanc, pas du noir et blanc sincère,
non du noir et blanc synthétique, du noir et blanc de mode. J'oublie que ma vie
est un film en noir et blanc, mais que les jeunes premières que je sauve ne
sont que des adolescents accros au kiff et aux coeurs pixellisés... Je joue
avec la brume, et je dessine des formes avec mes doigts sur ta joue, des formes
artificielles qui ne survivent que quelques secondes avant de s'effacer. Je
sauve ma peau, je prends mon sac, et je cours sous la pluie, comme si l'eau qui
ruisselle sur mon corps pouvait effacer mes problèmes en les emportant avec
elle.
Je suis trempé, rien de plus. A quoi tu pensais quand tu m'as dit je t'aime ?
Ravale ta haine, ravale tes sanglots, de l'amour et de la
haine, qui aura le dernier mot...
J'avais envie de parler d'une de ces filles pour
lesquelles on n'invente pas de nouveaux mots, d'une de ces filles que l'on
quitte sans pleurs, sans remords... De celles pour lesquelles on ne vendrait
pas son âme, pour lesquelles on ne se bat pas... J'avais envie de vous crier
qu'elles ne prennent vie qu'entre vos bras, et qu'elles disparaissent quand
vous accélérez le pas... J'avais envie de vous faire comprendre à tous que
j'étais comme les autre, que je cherchais l'exceptionnel, et que ce n'était
plus elle... J'avais envie de partir sûrement, ou en tout cas de ne plus penser
à cette fille, de ne plus la voir passer devant moi, et de ne plus m'imaginer
que c'était elle, et aucune autre, comme je le fais à chaque fois. Tellement
sur que ça y est, cette fois, notre amour est éternel... Et elle reste là.
Devant moi, comme un écran dans ma tête, comme un refrain qui reste gravé dans
nos esprits... On essaye de se persuader que c'est fini, et qu'elle ne
reviendra plus, et on pose ses yeux sur sa silhouette. Encore une fois.
Tout s'effondre.
Les grenadines
Et soudain je bascule en arrière. Je bascule en arrière
vers les années de ma jeunesse, et soudain je revois tous les moments qui font
ce que je suis. Un gamin boit une grenadine au temps des cerises. J'ai envie de
pleurer d'un coup. On se regarde dans un miroir, et on se demande qui on est,
et ce qu'on est devenu. Soudain on se sent sale, soudain on a envie de
retourner en arrière, on a envie de redevenir le gosse qui bouffait des
carambars dans la cour, soudain... On a envie de tout envoyer en l'air, parce
qu'on ne se reconnaît plus, qu'on n'est plus personne. Moi... moi je peux plus
crier "tu vas voir ta gueule à la récré..." Moi je l'attends ma
récré. J'attends mes copains, j'attends la petite blonde dans le coin du préau.
J'attends un air de piano, un air de piano qui prendrait toute la place. Et je
n'entendrais plus que lui. Si j'avais suivi ce p'tit air de piano, je sais pas
si je serais ce mec qui pleure sur les pavés de Montmartre. Je sais pas si les
gens passeraient sans me voir. Je sais pas vraiment ce que je veux d'ailleurs.
Il s'est sans doute passé trop de choses, depuis les grenadines.
Assise par terre, tu pleures, t'endors,
tu recherches le même rêve, encore,
Tu te fous des descentes ou d'avoir tort,
Toi tu danses juste, de plus en plus fort,
C'est toujours la même chose,
la même drogue, qui te repose,
et toutes ces lumières qui tournent, encore,
et ton sourire qui s'amenuise, dors...
Mais il était tellement beau, et fort,
Et tu l'aimais tellement, alors,
maintenant les ombres qui défilent,
ne sont rien d'autres que des filles faciles, des filles faciles...
Et tu ne sens plus tous ces gens qui te touchent,
La drogue dans le nez et le pouce dans la bouche,
Mademoiselle Cocaïne, où est on, où es tu?
Dans quel monde vit on, dans quel monde vis tu?
Poupée de cocaïne, ça fait même pas seize ans qu't'es née,
Mais la drogue qui te tue se fout du nombre des années,
mais c'est toujours la même chose,
la même drogue qui te repose,
et toutes ces lumières qui tournent encore,
et ton sourire qui s'amenuise, alors...
Et pour deux cent euros le rêve,
Même ton cerveau peut faire une trêve,
Pour un autre bout de poudre blanche,
Et cette douleur au creux des hanches...
Et tu ne sens plus tous ces gens qui te touchent,
La drogue dans le nez et le pouce dans la bouche,
Mademoiselle Cocaïne, où est on, où es tu?
Dans quel monde vit on, dans quel monde vis tu?
Poupée de cocaïne, ça fait même pas seize ans qu't'es née
Mais la drogue qui te tue se fout du nombre des années
Mademoiselle cocaïne, tu les rejoins déjà,
Toutes ces demoiselles qui ne connaissaient que ça,
Dans une dernière descente de ce rêve qui te ruine,
Sans ton prince tu vois la vie en blanc cocaïne,
Et tu ne sens plus tous ces gens qui te touchent,
La drogue dans le nez et le pouce dans la bouche,
Mademoiselle Cocaïne, où est on, où es tu?
Dans quel monde vit on, dans quel monde vis tu?
Poupée de cocaïne, ça fait même pas seize ans qu't'es née,
Mais la drogue qui te tue se fout du nombre des années.
Mademoiselle cocaïne, tu les rejoins déjà,
Toutes ces demoiselles qui ne connaissaient que ça...
C'était
encore une de ces foutues journées où tout le monde était heureux autour de
vous. Ou certaines personnes évitaient délibérément les squares et les places
publiques, de peur de voir d'autres personnes encore plus heureuses qu'elles
faire un étalage écoeurant de leur bonheur. Une de ces journées où on avait
juste envie de shooter dans les pigeons. Mais fort, alors.
Moi,
je faisais toujours partie de la deuxième catégorie. Et pas moyen de trouver un
pigeon à cinq kilomètres à la ronde dans cette foutue campagne paumée.
En
fait, j'ai toujours détesté voir les gens heureux autour de moi quand moi ça va
pas fort. Je suis salement égoïste, et c'est ce que me répète depuis cinq
minutes la fille qui se balade à côté de moi, là, dans les champs. Nul part. Parce
qu'il parait que c'est romantique les ballades à la campagne. Personnellement
je déteste. Mon esprit de contradiction m'a tout de suite soufflé que cette
magnifique journée n'était qu'une revanche personnelle des éléments sur ma
personne. Tout ça parce que je me trompe juste de fille.
Je
ne pourrais même pas lui donner son nom, la pauvre, je l'ai déjà oubliée. Alors
j'acquiesce, je fais une drôle de tête, pour qu'elle voit bien que « mon
dieu, si seulement je m'étais rendu compte de ce que je faisais, je ne t'aurais
jamais causé autant de tort. »
Si
je m'étais vraiment rendu compte de ce que j'étais en train de faire, je me
serais tiré depuis longtemps. Je serais pas coincé dans cette campagne à la con
avec toutes ces herbes, ces fleurs, et ces machins.
Je
m'imagine bien l'étouffer en lui faisant bouffer du colza. Ou alors la noyer
dans une mare et lester son corps avec du plomb. Ou alors prendre le prochain
train pour Paris. Mais je suis lâche. Alors j'acquiesce. A côté de moi, la
fille fait des mouvements bizarres. J'ai pas envie qu'elle pleure. Pas encore.
J'aimerais bien couper le son, et me marrer en la voyant s'agiter comme un
pantin, comme un de ces foutus mimes que j'ai toujours envie de claquer, quand
je les voient faire leur numéros ridicules.
-Tu
m'aimes?
J'ai
pas envie de répondre. Alors je marche. Il y a un arbre, là devant. Il est
planté comme ça au milieu de nul part. Etrange. Imperturbable. Serein. Il doit
se foutre de notre gueule d'ailleurs, nous autres humains avec nos problèmes superficiels.
Lui il est là depuis tellement longtemps qu'il a du en voir passer, des gens.
Des jeunes, des vieux, des couples. Des amants, beaucoup. Vu le coin, ça doit
fleurir. Peut-être même qu'ils s'aiment. Je serais pas étonné. Ils se donnent
la main, il y a de l'amour dans l'air.
J'esquive
la question.
-Si
on voulait savoir l'âge de l'arbre, faudrait le couper en deux. En fait il faut
mettre un terme à sa vie pour savoir combien de temps il a vécu. On peut pas
savoir, sinon. Bizarre. Il faut le tuer. Tu ne sais pas encore son âge que tu
sais qu'il va mourir. Après seulement, tu vois.
-Pourquoi
tu parles de ça maintenant, Simon? Putain ! Ca ne te fait rien ce qui nous
arrive?
Esquive.
Je garde les yeux fixés sur l'arbre. Il me défie du regard. Si je veux savoir
son âge, je le tuerai. On pourrait peut-être simplement lui demander. Je n'aurais
jamais le courage de lui demander.
-C'est sympa cette ballade tu trouves pas?
-T'as pas trouvé plus banal?
Je
ne la regarde même pas.
-Des fois j'ai l'impression que tu m'aimes
pas, Simon. T'es tellement... négatif. Tu pars battu.
-Peut-être. Ca m'évite de pas être trop déçu,
au final. Avec toi je me suis pas méfié. Maintenant je sais pas... Pourquoi tu
m'as emmené ici?
-Pour parler, Simon. Ca va pas en ce moment.
Vas
t'en. Laisse moi tranquille.
-Si je te dit que je t'ai trompé, que je suis
allé voir ailleurs, tu sais, même des putes. Que je me suis bourré la gueule,
que j'ai fumé et que j'ai baisé. Ca te fait mal?
-Tu ne l'as pas fait.
-Je sais. Pas eu le courage.
Je
me retourne. L'arbre s'éloigne petit à petit derrière nous. Elle, elle profite
pas. Elle marche droit devant, comme si elle avait hâte que la ballade soit
finie et que tout soit réglée. Tout compte fait je resterais bien un peu ici,
moi.
-Tu es cynique là?
J'ai
envie de courir.
-Non. Ecoutes. Je t'aime, d'accord ? Je suis désolé.
J'étais pas dans mon assiette. On va rattraper le temps perdu.
Ca
va mieux. Elle sourit. Trouve lui des bons côtés. Tu vas passer du temps avec
elle. Beaucoup de temps. Et l'autre, celle que tu as à peine entrevue mais que
tu aimais déjà, ben oublies. Regardes la, elle te saute au cou. Elle t'aime. Tu
sais qu'elle va rester, maintenant. Que vous allez peut-être même vous fiancer.
Elle, elle imagine déjà les photos de vacances à la mer. Pour elle, c'est
parfait. Pour toi, c'est fini.
Oublies
la vie dont tu rêvais avant, oublies les voyages, les aventures. Tu te fixes.
Tu t'englues. Et tu sais que l'autre fille a eu le courage de faire ce dont tu
rêves, des fois. Partir.
-Ben, Simon, tu... tu pleures? Ca va pas?
-J'pleure pas.
-Ben si tu pleures, regarde toi.
-J'pleure pas, j'ai dit.
-Simon, moi aussi je suis contente, tu sais. T'es...
T'es heureux, c'est ça?
-Ouais... C'est ça ouais.
Il
fait beau. Une personne de plus à trouver le bonheur. Avec moi. Je déteste les
gens heureux.
L'on retrouve souvent, dans une semi clarté,
quelque fous ivres morts, qui ne font que crier,
crier qu'ils aiment la vie, quand elle vient de vos seins,
qu'ils étaient les premiers, et que ça ne vaut rien,
de croire que ces peaux blanches, milles fois visitées,
resteront fières, sauvages et inviolées,
que vos sourires de fillettes émerveillées,
ne reviendra plus nous hanter, jamais,
nous, les profiteurs, abuseurs désabusés,
nostalgiques emmerdeurs, et rêveurs emmerdés,
aux ambitions perdues et aux rêves noyés,
dans les derniers verres, à moitié vidés,
ceux qu'on laissent en suspens,
comme la vie, noire et damnée,
et toutes ces filles que l'on attend,
qui ne viennent que la nuit, aimer,
les ivrognes et les délaissés,
Qui dans leurs rêves, les caressent,
du bout des doigts, de peur de les briser,
Elles, et leur souffle qui s'attarde et paresse,
sur leur mains tremblantes et qui réveille en eux,
les images nouvelles des fantasmes amoureux.
Une chance sur mille
Charlotte, c'est une fille libre,
De celles qu'on n'possède pas,
Et toute cette joie de vivre,
Cette joie qui n's'explique pas.
Et je marche seul, inutile,
Ma vue se voile, appelle moi,
Si un jour, une chance sur mille,
Tu te souviens de moi.
Rien n'existe, il n'y a que toi,
Ton sourire, fugace, ta voix,
Et quand tu t'éloignes de moi,
Je ne me reconnais pas.
Et je m'sens seul, inutile,
Ma vue se voile, appelle moi,
Si un jour, une chance sur mille,
Tu te souviens de moi.
Et il pleuvra sur la ville,
comme il aurait plu ailleurs,
Et je pleurerais dans ma ville,
comme j'aurais pleuré ailleurs.
Charlotte, c'est une fille
libre,
qu'on ne possèdera pas
Et toute cette joie de vivre,
Que l'on n'expliquera pas.