Jeudi 9 août 2007 à 23:14
Elle sentait que ses sens lui faisaient peu à peu défaut. Bientôt elle se retrouverait comme portée à nue devant cet homme dont elle ne savait, au final, pas grand chose.
D'ordinaire elle détestait ce sentiment de vulnérabilité, il lui était autant insupportable qu'il était pour les autres inconçevable à son propos. En effet, comme briser une carapace comme la sienne ? Comment faire paraître fragile celle qui les mettait tous à terre ? D'aucune manière.
A croire qu'il n'était pas les autres, et que l'ordinaire ne valait plus grand chose en ces temps aux sentiments troublés. Et cette croyance était bien plus proche de la vérité qu'elle ne l'aurait voulue. En son âme et conscience elle savait, elle sentait son coeur chavirer, elle pouvait prévoir que bientôt il ne lui appartiendrait plus.
Cette voie, sa voie, semblait sans issue."Chaque victime devient un jour bourreau" et c'est alors que le bien peut lui paraître le mal parce qu'elle n' aurait pas pensé auparavant que ce qu'elle semait avec tant de cynisme, d'arrogance et de mépris puisse être un jour bénéfique. Au lieu de voir l'amour elle voyait la haine et la faiblesse, et, loin de comprendre qu'il fallait se laisser vaincre, elle s'acharnait de plus belle, se raidissant et jouant l'indifférence.
Les signes, pourtant, ne trompaient pas, et elle-même ne pourrait s'ignorer longtemps encore.
On lui offrait des ailes et elle ne pouvait les considérer autrement que comme un poid supplémentaire. C'est ainsi qu'elle coula.
Jeudi 9 août 2007 à 15:19
Jeudi 9 août 2007 à 15:11
What if there was no light?
Nothing wrong, nothing right?
What if there was no time?
And no reason or rhyme?
What if you should decide?
That you don't want me there by your side?
That you don't want me there in your life?
What if I got it wrong?
And no poem or song?
Could put right what I got wrong?
Or make you feel I belong?
What if you should decide?
That you don't want me there by your side?
That you don't want me there in your life?
Oooh, that's right
Let's take a break, try to put it aside
Oooh, that's right
I can't ignore it if you won't even try
Oooh, that's right
When every step that you take
Can be your biggest mistake
And it could bend or it could break
Well that's just the risk that you take
What if you should decide?
That you don't want me there by your side?
That you don't want me there in your life?
Oooh, that's right
Let's take a break, try to put it aside
Oooh, that's right
You know that diamonds are reflective to light
Oooh, that's right.
Jeudi 9 août 2007 à 13:55
Il faut dire que, jadis, les livres étaient beaucoup plus sensuels qu'aujourd'hui : il y avait largement de quoi sentir, caresser et toucher. Certains avaient une couverture en cuir odorante, un peu rugueuse, gravée en lettres d'or, qui vous donnait la chair de poule, comme si l'on avait effleuré quelque cbose d'intime et d'inaccessible qui se hérissait et frissonnait au contact des doigts. D'autres possédaient une jaquette en carte recouverte de toile au parfum de colle très érotique. Chaque livre avait son odeur propre, mystérieuse et excitante. Et lorsque la jaquette de toile bâillait, telle une jupe impudique, on avait toutes les peines du monde à se retenir de loucher sur l'interstice entre le corps et le vêtement et s'enivrer des effluves qui s'en exhalaient. Mon père rentrait généralement une ou deux heures plus tard, sans les livres, les bras chargés de sacs en papier kraft débordant de pain, d'oeufs, de fromage, parfois même de corned-beef. Mais il arrivait qu'il revienne du sacreifice dans une état euphorique, souriant d'une oreille à l'autre, sans ses bouquins bien-aimés mais également sans nourriture : aussitôt vendus il s'était empressé de les remplacer, car il avait trouvé chez le bouquinite des trésors comme l'on en rencontre peut-être qu'une seule fois dans sa vie, et il n'avait pas pu résister. Maman lui pardonnait, et moi aussi, d'autant que je n'aimais pratiquement que le maïs et les glaces. Je détestais les omelettes et la viande en conserve. En fait, je crois bien que j'enviais les petits Indiens qui mouraient de faim et que personne n'obligeait jamais à finir leur assiette.
Le plus beau jour de ma vie - je devais avoir six ans - fut celui où papa me fit un peu de place sur l'une de ses étagères pour y ranger mes livres.
Disons qu'il me légua quelque trente centimètres représentant le quart du rayonnage du bas. Je réunis tous mes livres qui, jusque là, s'empilaient sur un tabouret près de mon lot, et les transportai à la bibliothèque paternelle où je les disposais à la verticale, comme il se doit : le dos vers l'extérieur et la tranche contre le mur.
Traduit de l'israélien par Sylvie Cohen
Amos Oz, né à Jérusalem en 1939, vit à Arad, à la lisière du désert du Néguev. Son oeuvre est traduite en trente-cinq langues et a recçu de nombreuses distinctions et prix littéraires.
Ce texte est extrait d'une roman autobiographique paru en février 2004, Une histoire d'amour et de ténèbres (Gallimard, collection "Du monde entier")
Jeudi 9 août 2007 à 13:41
Et merci à l'
écharpe au vent pour ce commentaire qui traînait encore dans mes fichiers textes...
Again il s'écoute
d'abord par sa phase crescendo, son petit solo de guitare, ses sons énervés,
puis son orgue lancinant aux environ de 9'42, pour terminer sur une déferlante
émotionnelle, et la voix de Craig Walker sidérante, qui arrache des larmes
depuis le plus profonds des entrailles, la cascade des instruments qui partent
tous en même temps, la violence même de... l'amour, oui c'est ça, tout ça qui
part... C'est un morceau incroyable, pour qui a le temps de l'écouter, pour qui
est prêt à sacrifier un quart d'heure de sa vie pour comprendre ce que signifie
le mot souffrance.
Car c'est ça Archive : une cinquantaine de morceaux, une cinquantaine de moyens
pour dire "j'ai mal".
Comment voulez-vous
ensuite poster un article pour dire ce que l'on pense d'Archive ? Si les
lecteurs s'en chargent pour moi dans les commentaires, s'ils me devancent...
Nan mais je vais finir par fermer moi !
Je ne sais pas où va le
monde mais de ce côté-là ça me plait bien je dois dire.
Jeudi 9 août 2007 à 13:38
« En
même temps Août 2007 ne peut pas pire que Août 2006. »
… Ca c'est toujours à voir.
De petits éclaircissements s'imposent :
1°) quand je poste un article dans la catégorie VouZémoi, vous êtes priés d'aller le lire avant de me laisser un quelconque messagedésobligeant.
2°) Je ne ressens aucune amertume concernant ma "dégringolade" du top 10. Petit rappel, à 15 ans je suis arrivée comme 3ème blogueuse la plus visitée sur une plate-forme qui gère 171394 blogs à l'heure actuelle, et je reste 12ème. Je trouve que c'est une jolie performance et je n'en demande pas plus.
3°) Avec mon passage à vide ces derniers temps seules les personnes appréciant réellement ce que je peux faire sont restées et ça n'est pour moi qu'un grand sujet de contentement.
4°) Je ne remercierais jamais assez les personnes qui postent pour moi.
5°) Ce blog fêtera son deuxième anniversaire le 18 décembre prochain et je pense avoir évolué dans ma manière de faire. Si cela ne vous plaît pas, je répète : je n'ai jamais forcé personne à me lire !
Mercredi 8 août 2007 à 23:36
"You have a nice smile"
En fait j'en demande pas beaucoup. Son sourire déjà me suffit amplement, savoir qu'il m'est adressé me ravit et le reste est sans importance. Il y des regards qui sont ainsi, qui mettent en confiance, qui vous donnent envie de rester là où vous êtes. Des regards qui rendent belle, des regards qui font que l'on se sent bien, sans raison aucune, si ce n'est celle la, un peu stupide, de ces deux yeux posés sur vous.
Qu'importent alors les erreurs et les faux-chemins ?
Rien. Rien encore. Et j' espère, presque malgré moi que cela continue de la même façon.
Mais stoppe ici ! Vite vite, arrête la machine, enraye tout, coupe les moteurs ! Dans quoi es-tu encore en train de t'embarquer ? Tu crains l'avenir parce que le présent est agréable, tu as mille fois raison. Cela ira de complications en complications, tu ne sais pas faire l'intense et le simple à la fois.
La seule chose simple avec toi c'est la haine, et tu es incapable de l'éprouver. C'est révélateur alors tu ne veux pas ouvrir les yeux. Les tiens d'yeux, oui, les tiens. Pas ceux des autres, pas de banals miroirs. On voit ce que l'on se sent capable de regarder, un point c'est tout.
Je cherche déjà l'extrapolation possible.
Mercredi 8 août 2007 à 18:14
Des livres, on en avait à profusion, les murs en étaient tapissés, dans le couloir, la cuisine, l'entrée, sur les rebords des fenêtres, que-sais-je-encore ? Il y en avait des milliers, dans tous les coins de la maison. On aurait dit que les gens allaient et venait, naissaient et mourait, mais que les livres étaient éternels. Enfant, j'espérais devenir un livre quand je serais grand. Pas un écrivain, un livre : les hommes se font tuer comme des fourmis. Les écrivains aussi. Mais un livre, même si on le détruisait méthodiquement, il en subsisterait toujours quelque part un exemplaire qui ressusciterait sur une étagère, au fond d'un rayonnage dans quelque bibliothèque perdue, à Reykjavik, Valladolid ou Vancouver. Lorsque - et cela s'était produit à deux ou trois reprises - il n'y avait pas assez d'argent pour préparer le sabbat, ma mère regardait mon père qui, comprenant que le moment était venu de choisir l'agneau du sacrifice, se dirigeait vers la bibliothèque : en homme de principes, il était conscient que le pain venait avant les livres et que le bien de son enfant l'emportait sur tout le reste. Je me rappelle son dos voûté quand, franchissant la porte avec trois ou quatre de ses chers volumes sous le bras, il se rendait tristement à la boutique de M.Mayer pour lui vendre quelques précieux ouvrages - on aurait dit qu'il taillait dans le vif. Abraham, notre père, devait avoir cet air-là en quittant sa tente, à l'aube, portant Isaac sur son dos, en route vers le mont Moriah.
Je devinais son chagrin : mon père entretenait un rapport charnel avec les livres. Il aimait les manipuler, les palper, les caresser, les sentir. C'était une véritable obsession, il ne pouvait s'empêcher de les toucher, même si c'étaient ceux des autres.
Mercredi 8 août 2007 à 16:52
Chêtive, avec l'accent. Un blog à aimer.
Mercredi 8 août 2007 à 16:36
Qui ne tente rien n'a rien.
Mercredi 8 août 2007 à 13:37
Et elles avaient parcouru la ville. En marchant, en courant, en sautant dans les flaques, parfois. Et elles en avaient maintenant la poitrine déchirée, de se dire que ce n'était pas Leur ville, mais une parmis tant d'autres, une qui s'effacera avec le reste, parce qu'elles n'en sont pas dignes. Parce qu'elles ont une vie par ailleurs et que cette vie là prend de la place. Elle en arrive à empiéter sur la place qui était réservée aux rêves. La place où elles voulaient justement ranger cette journée, justement, c'est le mot. C'est inacceptable qu'elle s'efface, elles ne peuvent pas laisser ça arriver. Non, elles ne peuvent pas. Alors vont essayer, mais on ne se contrôle jamais entièrement. Au final, c'est ça, qu'elles ont peut-être voulu oublier. Maintenant elles ne sont plus que deux jeunes femmes fatiguées, fatiguées d'avoir voulu.
Merci à
faute.aux.graphiques pour la très jolie photo.
Mardi 7 août 2007 à 22:17
ELLE EXISTE AILLEURS. ET CA SOULAGE.
Mardi 7 août 2007 à 22:11
Se
réfugier dans les bras de quelqu'un. C'est aussi entrer dans son univers. Se
laisser border par les vagues qui caressent la coque de son navire. Ouais comme
une douce berceuse qui vous laisserait rêveur. Il y a des bras maigres,
d'autres forts, des longs, des petits. Mais tous ont leur histoire, leur
sensibilité. Chacun sa manière d'entourer l'autre et de lui faire partager ses
sentiments. Mais il y aura toujours ce déclic. Ce petit truc qui fait qu'on se
sent en sécurité juste à ce moment là et que le reste du monde semble bien
petit face à ce qui se passe à l'instant même. Comme une décharge de bien être.
Se sentir partir. Loin. Tellement loin. Fermer les yeux pour mieux s'en aller.
Et ressentir les battements de son cœur.
.
Par
Monsieur Rever.de.demain
Et c'est
ce que je fais, rêver de demain, il faut bien rêver à quelque chose. On ne sera
plus jamais dans le même canapé, je ne pourrais plus laisser ma tête tomber
contre ta nuque et te respirer. Je resterais avec ces souvenirs qui font vivre.
Il le dit bien le J-D c'est pourquoi j'ai mis son texte là, j'espère qu'il ne
m'en voudra pas. Oui, se réfugier dans les bras de quelqu'un c'est entrer dans
son univers, surtout quand les bras ne sont pas seulement un refuge. La berceuse
je l'ai encore en tête et le rêve j'ai cru pouvoir le vivre longtemps encore.
Parfois, et c'est là le cœur du problème, on se sent partir trop loin et on
quitte toute amarre. C'est parce qu'en même temps on n'aura pas voulu sortir de
cet univers qui ne nous appartient pas. Le déclic a duré tellement longtemps...
Lorsque le son s'est enfin tût dans cette nuit que je voulais voir s'abattre
sur une autre qui me semblait jour, j'ai compris que rien ne sera plus jamais
pareil. Emmêler nos cheveux, comme emmêler nos doigts. Parce que moi je n'ai
pas voulu partir. Parce que moi je n'ai pas pu oublier. Parce que moi j'ai
inventé des mondes sur ce qui n'était qu'une décharge. Parce que moi je me suis
inventée une centrale nucléaire pour ne jamais être en manque de courant. Parce
que moi... Parce que moi... Et jamais je ne saurais te dire que c'est ta faute.
Comme si tu ne m'avais pas laissé le temps de grandir, de prendre du recul.
Alors que c'est moi, encore et toujours qui avançait, envers et contre tout.
Contre le temps, aussi. Mais c'est connu : à force de vouloir jouer avec
les aiguilles on finit par les casser.
Ce texte
ne devait pas finir comme ça. En fait il n'est peut-être pas fini. On verra
quoi.
Mardi 7 août 2007 à 17:31
Les phrases comme ces piques qu'on m'envoie sans y prêter attention.
Comme si elles ne restaient pas, comme si derrière il n'y avait rien
qu'un sujet, un verbe et un complément.
Il ne faut pas oublier les raisons, les anthitèses, les conjonctions, aussi, surtout.
"Mais, ou, et, donc,car.. " On l'apprend jusqu'à ne plus en connaître la signification.
Alors que parmis nous se trouvent des personnes qui, encore, s'arrêtent et observent, décryptent et s'acharnent;
Non, ces phrases ne me laissent pas : elles me hantent, comme autant de coups de pied au cul.
.. . .... ........ .... .. .... mais .. .... ... ...
A compléter, un jour.
Complétons : Je t'aime beaucoup "Mymy" tu sais mais je suis pas fou.
Voilà une part qui revient de droit à la catégorie "ça me fait chier cette folie" que vous retrouverez ici, ici, ici, ici (même si j'avoue n'avoir toujours pas compris la fin) et ici
Ouais, c'est assez rare pour être souligné.
Mardi 7 août 2007 à 15:41
La bonne parole :
"Ce mec est juste le fantasme absolu de toute fille
hétérosexuelle normalement constituée."
Je n'ai qu'à
acquiescer
Je n'ai qu'à me réjouir durant une centaine de
jours parce qu'il m'a envoyé un SMS.
Sans que je n'ai eu à
l'harceler.
Ca va, ça va.
Ou comme dirait
Kiki : vous êtes grand, brun, à la peau mate, aux yeux noirs (marron
fonçé accepté), appelez Mymy !
Offre soumise à condition,
dans la limite des stocks disponibles et pouvant être modifiée sans
avis préalable.
Oué, avec Jul on est des serials ]céréales ? bouuuuuffe ![-reposteurs
Mardi 7 août 2007 à 15:31
Oui je l'avoue, cela a failli être une très bonne soirée. J'ai failli
partir sur une note positive.
Mais non je me suis enfoncée et
je me demande si je vais m'en sortir un de ces jours. Faut vraiment
être bête pour chercher à ce point ce qui nous fait mal.
Je
vais aller dans ma chambre, je vais danser, m'entraîner, parce que
j'aurais simplement dû en rester là et ne jamais quitter ma place.
Pour ceux qui veulent vraiment tout savoir, il y a quelque
part un commentaire où en quelques phrases je lève cette fichue
auto-censure.
Et puis, toi, tu n'es pas bête, tu as deviné,
arrête donc de m'enfoncer et aide moi. On se comprend, si l'on pouvait
ne faire qu'une ce serait parfait. Mais nous sommes deux. Alors on
assume puisque l'une peut changer pas l'autre. Pourquoi vouloir
favoriser une troisième ?
Merde. Je suis fatiguée. Merde je
régresse.
Mardi 7 août 2007 à 15:24
Marc attend fébrile comme un amant incertain. Il revoit cette nuit où elle l'avait frôlé avec un sourire triste avant de disparaître. Elle avait pris sa man, un instant avec une douceur mortelle.
Aujourd'hui encore, il sent sa paume brûlante contre la sienne. Plus tard, sur le Paris-Vintimille, elle était venue le rejoindre dans sa cabine. Il avait découvert la jouissance comme un voyage électrique, avec des spasmes infinis. Il avait su alors ce qu'était la solitude d'un jeune homme nu sur le drap froissé et humide. Il avait pleuré jusqu'au jour, inconsolable. Depuis, chaque fois qu'elle était là, il aait ressenti avec bonheur cette "heureuse douleur" dont parle Ernest Hemingway dans l'Etrange Contrée.
Marc pourrait dessiner son visage, son cou, ses reins. Il pourrait peindre ses yeux verts dans le tissage de lumières vives juste avant qu'elle ne s'évanouisse. Elle a des mains délicates, longues, qu'elle abandonne dans sa chevelure. Il ne reste alors que la lueur d'une bague sur sa tempe. Elle a une petite veine bleue sur son cou qui bat comme un coeur prisonnier.
Quand elle pose son front sur la vitre comme lui en cet instant, elle ferme les yeux. Alors les cristaux roses et bleus d'une boule tango frénétique dansent sur ses épaules. Elle reste là, immobile, ne disparaissant qu'à l'approche d'un quai, éblouie par trop de réalité. Elle n'accepte que les phosphorescents. Elle s'efface au jour artificiel. Marc déteste ces gares trop éclairées. Il appréhende le hennissement des freins. Il redoute les arrêtes, ces lumières jaunes, ces ombres grises à peine cernées, et même ce soleil des jours au matin des arrivées.
Elle n'était vive que sur le voile déchiré de la nuit. Près de lui, le petit monsieur dévore un sandwich. Marc pense à Cécile. Elle a une curieuse façon d'avaler avec un petit bruit sourd et mouillé. Elle doit dormir, sereine, sur le dos, la tête tournée vers le mur et des jardins inaccessibles. Elle a une petite moue définitive, un pli qui descend de la commissure des lèvres. Il la regarde dormir, parfois, lui qui passe ses nuits en pointillé, avec l'incapacité, tenace, d'accrocher ses rêves.
Les silences de Cécile ne sont pas des absences ni un refuge, seulement des silences. Elle a un regard net, un rire clair, une diction soignée. Il en est ainsi de sa coiffure, de ses gestes, de ses pensées. Cécile a des pensées soignées. Elle est lisse, sans aspérités blessantes.
Dans l'amour elle a quelque chose d'une pelote douce et moelleuse, prête pour la nidification. Le train avale de grandes collines noires qu'il recrache derrière lui. Le couloir est vide. Marc attend, oppressé.
Il a rendez-vous avec elle, avec cette bouche qui renversa le monde et bouleversa le petit garçon qu'il était, dans un train de nuit de septembre. Il regarde derrière les vitres la coulée de nuit, le temps s'abolir. Au fond du wagon la porte bat sur un fantôme. Avec les heures, il se vide d'une fluidité souterraine qui s'échappe vers l'infini. C'est une hémorragie. Il baigne dans une surdité cotonneuse. Au milieu du voyage, il comprend qu'elle ne viendra plus. Il a posé sa tête sur l'appui de fenêtre. Le couloir a basculé.
Sur la couchette, dans la valise ouverte, Hemingway étouffe un pull-over bleu offert par Cécile. Marc extirpe le bouqui et son bloc-notes sur lequel il avait écrit :"Il l'embrassait lentement sentant avec bonheur l'heureuse douleur venir en lui." Cécile n'aimait pas Hemingway. Elle aimait les bêtes. Elle n'aimait pas non plus Miller ni Morrisson ni Houellebecq. Il regarde l'Etrange Contrée, le livre d'Ernest, ce drôle de type, ce chasseur de gazelles, comme l'appelait Cécile.
Il ouvre le bloc-note qu'il pose sur la couverture rouge des chemins de fer. Il feuillette nerveusement des additions, des réflexions, des nouvelles qui ne seront jamais lues, des rêves inachevés et les nuits des trains de nuit de Marc.
Il écrit "Cécile, je suis dans la cabine 41 de la voiture 13 du train 1492..."
A 3h45, le convoi s'arrête dans une gare sans lumière, sans voyageurs. Marc descend avec seulement Hemingway et son bloc-notes. Il y a une lune anémique et bienveillante. Il la regarde, puis s'éloigne du quai. Plus loin, là-bas, une ombre rejoint la sienne.
Un imbécile allume des phares.
Bernard Giraudeau.
Ouf, je l'ai lu, et ça n'était pas encore la nuit. J'ai rarement eu cette chance de lire quelque chose qui me touchait autant, un texte dont je me dis qu'il suffit de changer deux trois détails. Et voilà. "Tu ne pourras jamais être ce que je t'ai rêvé". Et la seule explication qui reste c'est que, je l'aimais, ce connard. Maintenant je ne sais pas, plus. Comme si j'avais déjà eu la solution en tête. Juste que de me dire que je ne sentirais plus jamais cette "heureuse douleur" que j'avais en moi lorsqu'il me prenait la main ça me donne envie d'hurler. Ou de ne rien être.
Mardi 7 août 2007 à 10:00
L'amour est tellement indescriptible que l'on ne peut douter de son existence.
Lundi 6 août 2007 à 21:16
"Tu ne pourras jamais être ce que je t'ai rêvé."
Marc est dans le train 1492, voiture 13, cabine 41. Il va rejoindre Cécile à Embrun chez sa mère. D'aussi loin qu'il se souvienne, Marc a toujours aimé les trains de nuit. Il occupe son poste préféré, un poste de guet, sa place à lui de toujours. Il pose son front sur la vitre froide.
Le soir est comme un marbre au bleu, à la fois sombre et translucide. Des nuages s'étirent et mettent la lune en cage. Marc a des excitations d'enfant. C'est un voyage aveugle, mystérieux. Il est toujours hypnotisé par la course métallique des rails, l'acier qui raye le reflet d'un visage dans la vitre. Il se souvient. Il est de ceux qui fouillent la mémoire jusqu'au balbutiement de la vie. Il est cet enfant, faschiné, bouche ouverte qui avale un éclair. La Lune est un ballon jaune qui s'éloigne lentement de la TErre. Il y a des chmabres allumées qui s'enfuient, des hôtels au néon. Les gares vides sont déchiquetées par la lumière. Il y a des villages fantômes, des usines qui fument comme des dinosaures, un ciel soufflé, l'enfant ne voit pas la main qui l'attend pour aller dormir. Elle fouille tendrement sa chevelure. Il sort de l'hypnose. Il se souviendra plus tard de cette femme au bout du couloir, penchée vers la nuit, la cheville enlacée par un cordon de cuir. Il se souviendra de son visage giflé par la lumière, de ce regard vert. Elle était immobile, abandonée à la violence du vent et des éclats. Ses cheveux flottaient sur une nuque blanche. Elle ferma soudains la fenêtre, ivre, apaisée. Elle se retourna vers lui et le regarda sans le voir.
A chaque train, chaque solitude, il la devine. Elle attend. Il faut pour cela que le convoi soit dans le ventre de la nuit. Marc sniffe les lignes de rails. Il se drogue à l'acier. Le couloir danse. Une grosse dame chasse des fantômes. Un petit monsieur revient des toilettes. Il y a une clarté céleste derrière les dentelles de roches brunes. DEs langues d'ombre dessinent sur la collune un puzzle dispersé. Un nuage obèse, déjà enflammé, se repose au sommet. Une écharpe de brume attardée caresse tendrement la forêt. Fin du jour.