Mercredi 13 juin 2007 à 23:10
Je reposte mes propres textes pour m'en souvenir. C'est grave. Aujourd'hui Mme Dessain s'est suicidée.
"
Et puis c'est devenu bizarre.
Je me voyais sourire pour rien, rire toute seule, avoir hâte qu'un milier de choses se produisent, juste pour les voir arriver.
Mon
univers était devenu une photo noir et blanc dans laquelle je me
baladais à la recherche de ces petites touches peintes qui créent des
envies de marcher dans la neige, d'arriver une demi-heure à l'avance
un matin blanc pour être seule avec un appareil photo au milieu d'une
cour que je connaissais silencieuse pour la première fois, une envie
aussi de dessiner mes expressions, de marcher vite sous la pluie, en
faisant claquer mes talons pour accompagner le bruit des gouttes, une
envie de foutre un bordel monstre dans une chambre qui n'est pourtant
jamais rangée, une envie de décoller les posters, de les changer, de
découper, de choisir, de placer, une envie de chanter, de jouer de la
guitare, d'écrire et d'écrire, sur les 200 pages, envie d'avoir froid
pour ensuite avoir chaud, ou l'inverse j'ai oublié l'ordre en route,
envie de filmer les gens bouger, de tourner sur moi-même, de plus en
plus vite, jusqu'à tomber, tomber dans un grand "SBAM", comme elle,
tomber sans avoir mal, avec le visage fendu en deux par un plaisir non
dissimulé, envie de courir dans une galerie pleine de couleurs et de
lumières, pour passer dans un métro gris, ou rose ou jaune, qu'importe,
un métro, mieux, une gare, un aéroport, jouer aux flechettes sur le
tableau des départs, décider et se fiche du reste, plus
raisonnablement, rester à attendre un bus, toujours sous la pluie, avec
les gouttes de tout à l'heure qui maintenant ruissellent sur mes joues,
trempent mes cheveux et tombent pile dans l'espace entre mon col et mon
cou, et puis elle coulent et elle coulent, sur ma nuque, dans mon dos,
et puis c'est froid, ça fait du bien pourtant, au coeur et à la tête,
le corps lui en a un peu marre, il préfère cette envie de prendre 5
minutes, un matin où je sais que je vais être en retard, pour ne rien
faire, pour respirer le parfum de ma chambre, sentir la chaleur de ma
couette, me lever sans me presser, tirer le velux et voir le soleil se
lever, pester contre les fils électriques chercher l'appareil photo et
non pas perdre, mais gagner 3 minutes de bonne humeur en capturant un
peu de ciel fantastique, lever la tête et "molto piu in alto delle
nuvole", bien avant, écrire, sur ce maudit banc, avec cette température
glaciale, ce vent et cette petite branche qui fait vivre l'allée par
son voyage constant et vain, la place éclairée, ne pas vouloir partir
ne pas vouloir se souvenir de l'invisible, avoir froid aux mains, chaud
au coeur, des étoiles dans les yeux, ou l'inverse, parler pour ne rien
dire et profiter de ce qu'on a. Comme de ce qu'on a pas.
Dans tout ça j'étais perdue. Parce que je crois que envers et contre tout, je devais être heureuse."
Là.